« Il y a plein de manières de faire de la poésie. Moi, je m’intéresse aux beautés discrètes et je fais de la poésie minuscule. »

Edith Silva a un langage bien à elle, fait de mots et de dessins, qu’elle mêle dans toutes ses créations artistiques. Une approche singulière qui parle d’emblée aux enfants. Invitée par la médiathèque de L’Arbresle, dans le Rhône, où elle réside, elle a animé ses premiers « ateliers ludiques pour se (re)lier aux mots et au vivant » auprès de quatre classes des écoles communales.



Délicatesse et précision
La séance était organisée autour de trois ateliers : dans l’un, il s’agissait d’écrire une lettre à un arbre de son entourage, dans l’autre, de décoder des poèmes cryptés en écriture « pattes de mouche » par des insectes, et dans le dernier, de se dessiner au pied d’une fleur commune séchée. « Mon intention, explique la conceptrice, c’était de questionner l’enfant sur son lien au vivant – qu’il s’agisse de l’arbre, des insectes ou des fleurs. »

Les enseignantes ont chacune avoué avoir eu un coup de stress en entrant dans la salle dédiée à ces ateliers. « Ils vont tout lui massacrer ! » a pensé Aurélie Falk, enseignante de CE1-CE2, lorsqu’elle a découvert « la vraie mise en scène installée par Edith Silva : tout était super beau ! Du papier à lettres chiné et jauni par le temps, de beaux objets, une casse d’imprimerie, l’herbier, ses propres œuvres encadrées... »
Mais le mimétisme a fait son œuvre : spontanément, les enfants se sont calés sur la délicatesse et la minutie avec laquelle l’artiste manipulait les objets qu’elle avait apportés : « Ils ont retenu leur souffle quand j’ai dévissé la presse qui contenaient les fleurs séchées pour leur en faire choisir chacun une, se souvient-elle. Ils sont restés très concentrés, à essayer de retenir le nom de leur fleur. » Céline Guilhot, enseignante de CM1-CM2, souligne que les enfants ont été sensibles à la beauté du matériel et au fait qu’on leur fasse confiance : « Rien n’a été abîmé ou chiffonné. Ils se sont montrés curieux et motivés. Nous y allions pour le côté écriture et poésie, et comme il y a eu de l’émotion et du plaisir, les enfants sont entrés dedans et ça leur a plu. »

Restitution valorisée
A la fin de la séance, Edith Silva a récolté toutes les réalisations des enfants. Fidèle à la mise en scène élégante de ses ateliers, elle a scanné tous les dessins, tous les déchiffrages et les a joliment mis en page : chaque classe a ainsi reçu une affiche rassemblant en un immense herbier tous les mondes miniatures des enfants, avec le nom de chaque plante choisie. Une belle manière de valoriser leur travail, en leur offrant une trace sensible de cette expérience. « J’espère ainsi avoir attisé leur attention sur ce qui les entoure, les avoir intéressés à ce qui n’est pas visible. C’est un message important, y compris à l’égard de ceux qui sont discrets dans la classe ! » Seule la correspondance avec l’arbre familier est restée confidentielle.

Poésie ou SVT ?
Finalement, s’agissait-il d’une séance de poésie, d’arts plastiques ou de sciences de la vie et de la terre ? « Je ne sais pas, reconnaît Céline Guilhot. Je constate juste que les enfants y ont été sensibles. » « La poésie est venue grâce à la nature, analyse Aurélie Falk. Les enfants n’ont aucun mal à voir cette beauté discrète, ça les rejoint dans ce qu’ils sont. Ils s’intéressent spontanément aux petites bêtes, aux plantes... Ils ramassent des cailloux, des fleurs, alors que nous, adultes, on aurait le réflexe de dire : ‘qu’est-ce qu’il m’a encore trouvé, c’est quoi cette mauvaise herbe...’. Et puis, ça porte aussi le message qu’on n’a pas besoin d’être extraordinaire pour avoir de la valeur. » Se dessiner avec une fleur, c’est plutôt ouvrir la porte de l’imaginaire que tourner les pages d’un manuel de SVT. Est-ce que ça a pour autant moins d’impact ? Parions que ces ateliers poétiques contribuent à véhiculer un message essentiel : l’humain n’est pas « dans la nature », il en fait partie, il est « de la nature », il est lié à la destinée de cette petite fleur qui pousse entre les interstices du bitume, sur le chemin de l’école.
Voici les réalisations des enfants :